« Mademoiselle Carmicheal, s'il vous plaît, vous pouvez venir me voir ? » Étonnée, je relevais la tête vers le prof. Je me demandais ce que j'avais fait de mal. Certes, sa matière était loin d'être celle dans laquelle je brillais le plus, mais je faisais des efforts, et compte tenu de mon retard par rapport aux autres ; j'estimais m'en sortir plutôt bien. J'hésitais inutilement. Dans ma tête, c'était "mais monsieur, on a une heure de repos, il faut en profiter au maximum", mais je me rendis très vite compte que sa question était purement rhétorique. quand un prof vous demande de venir vous voir en fin d'heure, en général, ça ne dure jamais longtemps ; et on n'est pas vraiment apte à lui répondre "non monsieur" - a moins d'être tout à fait suicidaire ; bien que dans cette école, étant donné les énergumènes qu'il y a, ça semble tout à fait probable. je me suis donc avancée vers lui, sous quelques regards curieux de certains de mes camarades.
Le prof prend un air très professionnel - normal, pour un prof, remarque - et lève les yeux vers moi d'un air bizarre ; quelque part entre le dégoût, la pitié et l'encouragement. Il pousse un soupir, et je serre la lanière de mon sac à m'en faire blanchir les phalange, déglutissant d'un air décontracté mais me sentant comme une prisonnière prête à entendre sa sentence finale. « Ecoute, Sadonie-Rain... » « C'est Saddie-Rain, monsieur. » Il me renvoie un sourire un peu étonné, et je détourne les yeux, m'intéressant soudainement au très troublant tableau blanc mal effacé qui est derrière lui. C'est vrai que les profs préfèrent m'appeler Mademoiselle Carmicheal, sinon je les corrige, et il faut croire que dans un moment aussi critique que celui ci, ce n'est pas une bonne idée. « Oh. » dit-il. je vois bien qu'il s'en fiche et qu'il m'en veut de l'avoir interrompu, mais il n'ajoute rien, et continue sur sa lancée. « Ecoute, je vois bien que tu fais des efforts, je pense que que tu n'es pas une fille complètement stupide. » Je tique un peu. Merci monsieur, c'est trop gentil de votre part de croire un minimum en moi, mais faites attention je pourrais prendre la grosse tête. Il prend une grande inspiration - histoire de faire durer le suspens - puis lâche tout. « Je crains que ça ne soit pas suffisant. Dis moi, comment se passent les séances de rattrapage avec monsieur Newsham ? » A vrai dire, j'apprends rien avec lui parce qu'il essaie tout le temps de me draguer mais c'est pas grave parce que j'adore ça. « Euh... bien. Je ferais des efforts, monsieur. » Je priais intérieurement pour que ça se finisse vite ; n'ayant pas envie que mon perspicace professeur se doute de quelque chose et qu'il l'interprète de façon bizarre ; et remerciant aussi le fait qu'il ne soit ni télépathe, ni une de ces personnes qui peuvent deviner ce que vous pensez juste par vos réactions. « je veux dire... je sais qu'il est un peu turbulent, et que c'est pas le meilleur élève de l'école... » « Oh non non, sérieusement, ça va ; on s'entraide, c'est... cool. »
Je me dis que Kael en ferait des caisses s'il apprenait que j'avais dit que nos "cours particuliers" étaient cools et biens ; et que j'avais caché une part de la vérité au prof pour ne pas avoir un petit intello commis d'office à sa place. Il l'aurait bien évidemment interprété à son avantage, et malheureusement pour moi ; il n'aurait pas eu totalement tort.
Le prof me regarda avec suspicion, puis me fit signe de partir. soulagée, je marmonnais un au revoir avant de rejoindre quelques uns de mes amis, qui m'avaient attendu, un peu à l'écart. « désolée, faut que j'aille bosser, je viens de me faire remonter les bretelles. A plus ! »
je me pressais vers la bibliothèque, afin d'emprunter des livres pour bosser. en chemin, je croisais un casier calciné, sûrement le travail de ce doux et délicat Kael ; et ne pus retenir un petit sourire. Je m'imaginais déjà lui reprochant de ne pas m'apprendre assez de trucs et de passer trop de temps à parler de broutilles ; remettant cette histoire de prof sur son dos.
J'empruntais rapidement un ou deux livres pris au hasard, avant de retourner discrètement vers mon dortoir. Peu de gens venaient étudier dans leurs chambres, préférant se retrouver dans des endroits avec leurs amis, ou attendant tout simplement le soir pour bosser un peu. Du coup, en pleine journée, personne ou presque ne venait dans ces dortoirs, et c'était parfait pour retrouver un peu de calme. Personne ne rôdait ici.
Personne ? La porte de la chambre était ouverte. Je pressais un peu le pas, m'attendant à y retrouver Queeryn. A un mètre de la porte, je me stoppais. Les gonds pendaient lamentablement. La porte avait été enfoncée, et ce n'était surement pas l'oeuvre de mon amie. Regardant autour de moi, je m'aperçut avec effroi que notre chambre était la seule a avoir été défoncée. Je m'approchais lentement, quand une odeur me monta aux narines. Je mis un instant à reconnaître l'odeur du tabac. Je poussais doucement la porte, effrayée par ce que j'allais découvrir. « Salut, la porte voulait pas s‘ouvrir alors... alors je l‘ai ouverte. » je dévisageais un instant son visage insouciant et espiègle, quand une violente envie de l'étriper me saisi. « T'es pas sérieux, là. » murmurai-je, sous le choc. Je fis quelques pas dans la pièce, remarquant qu'en effet, a part un de mes bouquins qui avait changé de place et qui trainait désormais au pied de mon lit - mon lit froissé sur lequel il s'était surement allongé - rien n'avait changé de place. Kael était bel et bien l'unique abruti responsable du massacre de la porte.
« Dans ma bonté d‘âme je me suis dit que tu aurais peut-être besoin de cours supplémentaire.»
Furieuse, je m'avançais encore vers lui. « Rassure moi ; t'as au moins conscience que tu t'enfonces, là ?! »
Je regardais à nouveau la pièce, et mes yeux se posèrent sur les débris, le cadavre, les pauvres restes de la porte qui réussissait tout de même, dans cet état, a faire barrage au couloir. Je poussais un gémissant de colère, me prenant la tête entre les mains et essayant de garder mon calme. quand je le regardais de nouveau, il avait toujours ce petit sourire qui le caractérisait.
« Oh bon sang Kael, je vais T’ÉTRIPER ! » j'avais à peine fini ma phrase que déjà, je me jetais sur lui, les mains sur son cou, dans l'espoir de les serrer le plus fort possible.

« Ce n'est pas trop grave, puis j'aurais pu la faire cramer comme la moitié des choses qui me font obstacles. Je trouves que cette porte s'en sort pas si mal en fin de compte. »
Je me répétais plusieurs fois les mots qui venaient de sortir de sa bouche. "Ce n'est pas trop grave." ah oui, parce que c'est lui qui va aller à l'administration pour demander de changer notre porte, en disant purement et simplement qu'il avait envie de sécher les cours afin de se griller quelques clopes, et que le meilleur endroit pour faire ça avait été notre chambre, à Queeryn et moi. Le pire, c'est que c'était surement vrai, mais personne n'y croirait. Oh, je savais qu'il serait bien capable de le faire, mais ça nous mettrait tout les deux dans une situation délicate ; les gens commenceraient à parler sur nous, a se faire des idées, et je ne voulais pas. D'habitude, je n'accordais pas énormément d'importance à ce que disent les autres ; mais si ça concernait Kael, ce n'était pas pareil. Pourquoi ? Aucunes idées. "puis j'aurais pu la faire cramer comme la moitié des choses qui me font obstacle." Je secouais la tête, désemparée. Kael avait cette philosophie assez spéciale qui faisait qu'il ne comprenait pas qu'on lui résiste. De cette façon, il cramait tout ce qui n'allait pas dans son sens - bien qu'une poubelle et un casier n'ont pas vraiment la liberté de choisir s'ils vont le suivre ou non - ou pensait que sinon, c'était acquis. C'est pour ça ; enfin, je crois ; qu'il pense que je suis folle de lui.
quand à sa dernière phrase, il n'est pas utile que je précise qu'elle m'a vraiment fait péter les plombs. Peut-être, en effet, que ça aurait été mieux qu'il la brûle, cette porte. Comme ça, les alarmes incendie de l'étage se seraient déclenchées, et il aurait pris sur le fait, nous épargnant a Queeryn et a moi de devoir trouver une excuse bidon pour nous sortir de là.
quand je me jetais sur lui, il ne put pas faire grand chose. Cependant, loin de rouler à terre, de me supplier d'arrêter et de me promettre de tout remettre dans l'ordre ; il ne quittait pas ce petit sourire. Je continuais d'avancer vers lui, et il se heurta contre quelques meubles, me tirant une légère satisfaction ; pour une fois, c'était moi qui avait l'avantage sur lui, et ce n'était pas a moi de tenter de lui échapper.
malheureusement, cette satisfaction fut de courte durée. Il sembla avoir du mal à respirer, puis il posa ses mains les miennes, qui, instinctivement, se desserrèrent un peu. Il ne lui en fallut pas plus pour m'arracher ma prise, poser ses mains sur mes hanches, et, en un seul mouvement, inverser les rôles. Je me retrouvait dos à l'armoire, avec Kael un peu trop proche de moi à mon goût. une pointe de frustration naquit dans mon esprit. Encore une fois, je n'avais pas réussis à garder le pouvoir sur lui, et il avait repris sa position favorite de dominant. Sa facilité déconcertante à m'avoir fait basculer n'arrangeait pas cette frustration.
« Enfin, Saddie, tu pourrais réfréner un peu tes ardeurs. Je sais que tu ne peux plus te passer de moi, mais tu peux simplement m'embrasser en douceur, pas besoin de me plaquer directement contre une armoire. »
Son air rieur, son petit sourire en coin, alors qu'il est parfaitement conscient que j'étais encore furieuse contre lui, tout m'exaspérait. C'était l'une de ces situations, où, impuissante, j'avais juste envie de m'assoir dans mon coin et de bouder toute seule, imposant aux autres de me laisser tranquille. Mais je savais que Kael était loin d'être de ces gens qui avaient conscience des limites. et là encore, il avait franchit ma limite mais ne s'était pas pour autant ramassé une bonne raclée comme j'aurais aimé lui donner.
Fulminante, je cherchais à me dégager, mais il me tenait toujours immobile contre cette armoire. J'aurais aimé avoir un pouvoir comme lui. Ou pas, en fait, puisqu'il aurait sûrement été calciné vivant, dans ce cas là.
« Je te jure, fais gaffe à toi, le jour où tes conneries t'amèneront à la mort - parce que pour le moment, c'est tout ce que je te souhaite - je viendrais même pas te parler ! »
C'était méchant de ma part, je devais l'avouer. Je n'avais aucune envie qu'il meure, mais sur le coup, c'est vrai que cette histoire de porte m'a bien énervée.
Sans se séparer de son petit sourire, il me frôle la joue pour repousser une mèche de cheveux. Je regrette rapidement qu'il aie fait ça. Mes cheveux empêchaient qu'on soit trop proche, et là, nos deux visages sont trop proches. je commence à le connaître suffisamment pour savoir ce qu'il va faire ; ou plutôt tenter de faire. Tandis que ses doigts caressent ma joue d'une façon que je ne suis pas censée apprécier, il continue de s'approcher, de plus en plus vite, vers moi. Je détourne la tête à l'ultime moment, un peu rassurée d'avoir réussi à bouger.
Il recula avec un soupir, visiblement déçu. Mais, avec lui, je ne sais jamais si c'est pour continuer son jeu ou si c'est pour de vrai. Il me plaît de croire qu'il est vraiment déçu que je le repousse à chaque fois.
Je le repousse, histoire qu'il n'essaie pas de prendre par surprise en faisant semblant de laisser tomber et en revenant à l'attaque plus vite sans que je ne m'y attende.
« On sait tout les deux que tu ne me repousse que pour le sport. Ce n'est qu'une question de temps avant que tu ne te jettes à nouveau dans mes bras. »
Les yeux écarquillés, je le regarde, lasse, et grimace un sourire ; incapable de résister à ses bêtises. « Ouh ! Eh bien on apprend tout les jours, même sur soi-même ! »
Je m'éloigne de lui, faisant un détour le plus large possible et m'approchant de mon lit, histoire de retendre les draps. « M'enfin, tu sais, j'ai toujours été une grande sportive... » J'espère qu'il comprendra par là que je n'avais aucune envie de lui céder. de toutes façons, c'est sur que ce n'est pas en défonçant ma porte que mon coeur sera conquis, que je jetterais à ses pieds en lui avouant que dès que mes yeux se sont posés sur lui, je l'ai aimé. Ce n'est pas vrai, en plus. la première fois que je l'ai vu, je l'ai trouvé beau ; et j'ai été intriguée de savoir comment il connaissait mon prénom. Mais très vite, il a dit des choses - notamment une allusion comme quoi il voulait me violer - qui m'ont fait fuir très loin.
Récupérant le livre qu'il avait pris et qu'il avait laissé tomber lamentablement à côté du lit, je assénais un grand coup sur la tête, avant de me diriger vers le bureau pour le remettre à sa place.
« Et si tu continues comme ça, oui, c'est sur, je vais à nouveau me jeter dans tes bras comme je viens de le faire : pour t'étriper. Sauf que cette fois-ci, tu m'auras pas. »
Je lui envoyais un regard assassin et furieux, mais cette fureur était aussi tournée vers moi-même, dégoutée de ne pas avoir pu mener mon action jusqu'au bout.
Lui tournant le dos, je poussais un gros soupir en voyant la porte, me demandant ce qu'on allait bien pouvoir faire pour remplacer ce pauvre bout de bois qui pendait lamentablement.

« J'aimerai avoir une preuve de ce que tu avances. On peut tester tes performances dans ton lit par exemple... » Je le regardais de travers, totalement dépassée. Ce gars avait la capacité de toujours déformer ce que je disais ; si bien que je ne me rendais même plus compte de ce que j'avais dit. A y réfléchir, c'était évident qu'il allait sortir un truc dans le genre, mais sur le coup, je n'y avais pas pensé. Oh, et puis de toutes façons, ce n'était pas en faisant attention à chacun des mots que je sortais qu'il se calmerait ou arrêterait définitivement de sortir des idioties dans le genre. Du moins, je l’espérais.
Sur le coup, je ne répondis pas, l'ignorant purement et simplement, en cherchant tout de même une réplique a sortir au cas où il se montrerait un peu trop insistant. Mais je n'eus pas à me triturer les méninges bien longtemps puisqu'il se ravisa assez tôt ; tandis que je continuais à baliser inutilement pour cette stupide porte. « Je rigole, il te faudrait un peu de second degré.»
Étant donné que les degrés dit de cette façon s'appliquaient aussi aux degrés de brûlures, je le regardais avec suspicion, histoire de voir s'il ne faisait rien de mal alors que je rangeais légèrement la chambre. je ne touchais pas aux affaire de Queeryn et de notre autre colocataire, bien sur, mais je détestais qu'on touche à mes affaire sans qu'on ne me demande avant l'autorisation. Apparemment, Kael avait dit ça juste comme ça, pour ne pas me fâcher trop davantage. Il semblait commencer à comprendre juste maintenant que j'étais vraiment énervée. Je le regardais avec une moue dubitative et un air faussement étonné.
« Oh, merci de la précision, un moment j'ai cru que tu voulais vraiment coucher avec moi, et comme c'est la première fois que t'en parles, je me posais des questions sur ta santé mentale ! »
Pour tout dire, je ne savais pas vraiment pourquoi je m'affairais comme ça, a replacer les choses telles qu'elles étaient avant qu'il n'arrive ; avant qu'il ne brise cette stupide porte.
Quand je le menaçais de l'étriper encore, il resta où il était, son air niais, débile et totalement craquant toujours collé au visage. « Tu en serais bien incapable, il a suffit que je pose mes mains sur les tiennes pour que tu lâches prises, puis, plus sérieusement, tu ne voudrais pas avoir mon sang sur les mains. »
J'haussais les épaules, prise par un petit rire plein d'ironie. « Heureusement pour toi, j'ai été élevée convenablement et on m'a appris que ce n'était pas bien de tuer tout les gens qui nous énervait, en effet. » Je le regardais dans les yeux quand il évoqua son sang, comme si il n'y avait que lui que je n'aurais pas envie de voir mort. « Ouais, » répliquais-je, toujours ironique, « Enfin c'est surtout que j'ai pas envie de pourrir la moquette. »
Je voulais qu'il se rende compte que, même si ce n'était qu'une porte, c'était déjà quelque chose de grave. Ce gars n'avait aucun sens des responsabilités. Il fonçais sans réfléchir, et parfois je me demandais si il utilisais réellement son cerveau pour autre chose que pour m'exaspérer ou raconter n'importe quoi.
La porte semblait me dire que j'avais raison, que quelque part en lui il n'était pas complètement dingue, juste totalement inconscient et irresponsable. je me demandais comment il ferait pour s'en sortir une fois l'école terminée. Est-ce qu'il s’appuierait sans cesse sur son frère ou des copains sympa pour le dépanner ? Est-ce qu'au moins il se rappellerait que j'ai tenté de lui dire ce qui était responsable ou pas ? Ces pensées mélangées à celles de la porte en miettes, je me sentis soudain fatiguée, comme trop vieille.
Comme s'il avait perçut que j'étais dans un état second, Kael s'approcha de moi, posa sa main sur mon épaule sans arrière pensée, pour une fois. Parfois il avait ces petits instants - toujours très courts - où il semblait se rendre compte que ce n'était peut-être pas le bon moment pour rigoler. Oh, bien sur, ces moments ne duraient jamais longtemps, et j'en venais à me dire qu'il devait surement cacher des peines intérieures qui faisaient qu'il n'avait aucune envie d'être triste de nouveau.
« J'irai à l'administration en partant, je trouverai bien une bonne excuse d'ici là. » je poussais un soupir et secouais la tête. « Kael, t'as pas le droit d'être là, encore moins de défoncer une porte. » je le regardais un instant, alors que sa main quittait mon épaule. Je lui adressais un petit sourire, histoire qu'il voie que j'appréciais tout de même le geste, mais que dans ce cas là, il n'y avait vraiment plus rien qu'il puisse faire, a part s'endetter envers nous et nous tirer plus tard d'une histoire dans le genre. « On verra avec les filles, on trouvera un truc... du genre folie féminine, style araignée, souris ; quelque chose qui sème la panique générale, fais tomber quelqu'un et boom la porte, tu vois ? Autre chose que "je m'ennuyais alors j'suis aller défoncer une porte dans le dortoir des filles". Tu sais quoi ? Le pire, c'est que notre histoire sera plus crédible que la vérité. »
Le sujet partit de la porte, puis revint vers moi. « Puis tu as intérêt à ne pas devenir morose sinon je devrai t'embrasser pour que tu redeviennes toi même. Je sais que tu aimes ça, mais si tu veux que je t'embrasse dis le simplement. » Je ne pus m'empêcher de rire. La dernière fois que j'avais été dans cet état, je venais de parler à mon père. selon moi, Kael avait profité de ma faiblesse pour tenter de m'embrasser - et, même si ça n'avait duré qu'une demie-seconde, il avait réussit - ; selon lui, il avait voulu me rendre dans mon état normal. J'avais donc une bonne idée de la façon dont il me voyait, maintenant : une fille qui ne sait pas s'amuser, qui gueule tout le temps et passe son temps à le repousser. Bon, quand il venait vers moi, je devais avouer qu'en fait, c'était à peu près ça.
« Oh oui, j'adore quand tu m'embrasses, et ma façon d’exprimer mon contentement, c'est de t'insulter et de te dire de ne plus m'approcher ! D'ailleurs, j'aurais adoré t'embrasser, là, mais quel dommage ! Tu as cassé la porte, donc tout le monde peut nous voir ; et malheureusement pour toi, j'ai pas envie de me taper la honte et de ternir ma réputation parce que j'aurais embrassé un plouc comme toi... Descends de ton nuage, tu deviens grave, là ! » En attendant, je devais bien avouer que sa remarque avait fonctionné. J'avais cessé d'être blasée et nostalgique pour retrouver cette force de lui faire face.

Kael ne semble pas trop apprécier le fait que je ne montre aucun attachement à sa vie. Il sait très bien que c'est pour rire - du moins, j'espère qu'il le sait, et que je ne suis pas la seule chose qui le rattache à la vie, sans quoi je serais bel et bien embêtée - mais ne s'en montre pas moins faussement outré. Je lève les yeux aux ciel, histoire de dire "mais c'est pas totalement vrai ! ". je pense que, maintenant, il connaît suffisamment mes expression pour savoir quand me prendre au sérieux ou non. Avec lui, c'est sur que c'est beaucoup plus simple ; il ne faut jamais sérieusement le prendre au sérieux. Il dit tout le temps des conneries ; même si il arrive d'aller jusqu'au bout de ses conneries.
Par ailleurs, quand je lui fais remarquer que ça ne servira a rien qu'il se dénonce, même en étant effectivement coupable ; il hausse les épaules, comme si rien n'avait d'importance. Un jour, il se fera virer, j'en suis sûre, et ce que je peux faire, c'est essayer de repousser ce jour le plus longtemps possible. « Tout le monde sait que je n'en ai rien à faire des règles et puis ça fait longtemps que je ne me suis pas fait engueuler en bonne et due forme, à l'administration on doit croire que je suis mort pour ne plus y être passé en futur condamner. »
Je soupire et secoue la tête. Il est vraiment impossible. Il prend ça avec le sourire, comme toujours. c'est surement pour ça qu'il arrive si facilement à sembler ne pas être atteint par mes cris ; si même ce que l'administration lui dit ne l'atteint pas, il doit vraiment n'avoir peur de rien. En même temps, c'est vrai que la première fois qu'il m'a parlé, c'était parce que j'étais sa punition, ce qui veut donc dire que les heures de colle et autres ne doivent plus vraiment fonctionner sur lui.
Quand je lui parle de ma probable explication bancale, il n'y croit pas un instant. « Désolé de te décevoir, mais il faudrait plus que trois poids plumes pour la faire tomber cette porte. J'ai du m'y reprendre à plusieurs fois et j'ai quasi déboîté mon épaules, ce n'est pas une de vous trois qui aurait la force de la faire bouger d'un poils. » J'hausse les épaules et me laisse tomber sur mon lit, fronçant les sourcils. Je n'ai pas envie de lâcher l'affaire. On n'est pas vraiment autorisés à revenir ici, entre les cours. Il y a des surveillants qui rôdent, mais ils sont tellement peu attentif que passer leur barrière de protection est un véritable jeu d'enfant. C'est vrai que beaucoup de monde rentre ici ; mais en général ce sont des filles qui vont chercher leurs affaires, se remaquiller, se changer ; pas un gars qui vient défoncer une porte ; même sans arrière pensée. A vrai dire, je n'ai pas vraiment envie qu'ils renforcent la surveillance et qu'on soit obligé d'aller dans un endroit bruyant et impersonnel pour travailler. Même si, quand Kael est là pour me donner des "cours", on ne travaille jamais beaucoup.
« Eh, j'essaie de te sauver la mise, après avoir essayé de te tuer, tu devrais être content, non ? On trouvera un truc, je te dis. On est pas des filles qui posent énormément de problèmes, ils pourront nous croire sans appeler un télépathe pour connaître la vérité. »
Je regarde Kael bouger. J'ai appris à mes dépends qu'il faut toujours garder un oeil sur lui, parce qu'on ne sait jamais ce qu'il peut faire. Pour le moment, il est juste adossé à la fenêtre, mais qui sait ce qu'il fera la seconde d'après, surtout après l'avoir provoqué. « « Voila, là tu es dans ton état normal, mordante et caustique. »
Je ne peux m'empêcher de sourire. Je devais avouer qu'il avait le don de gâcher mes journées mais de faire en sorte que mon moral soit toujours le même en même temps.
« Il n'empêche que tu fais erreur sur une chose, je ne suis pas un plouc et plus d'une fille voudrait être à ta place à cette heure ci et m'avoir dans leur chambre. »
Je le regardais avec une moue dubitative, sans pouvoir cacher mon amusement.
« Oh, alors t'as fait une mauvaise pioche avec moi, c'est ça. Mais tu sais, si tu veux aller vers d'autres filles, sans vouloir faire de jeux de mots... la porte t'es grande ouverte ! »
Je ne savais même pas avec combien de filles il était sorti - a vrai dire, je m'en fichais un peu - mais depuis mon arrivée, j'avais plutôt entendu du bien de lui. Comme quoi il était drôle, craquant - voire même "irrésistible" - et en plus c'était un gars un peu dangereux, et il est bien connu que toutes les filles sont attirées par les gars un peu dangereux. Sauf que Kael est plutôt du genre complètement dingue, parfois. Quand il casse une porte parce qu'il s'ennuie, par exemple.
Il marque une petite pose, me regarde avec son éternel sourire et me dis posément : « Tu n'imagines pas la chance que tu as de m'avoir comme prof particulier.»
Je pars a nouveau d'un grand rire, pas totalement forcé mais un peu tout de même - il ne faudrait pas non plus qu'il se croie immensément comique, n'est-ce pas ? - puis lâche un soupir faussement désespéré.
« En effet, j'ai du mal à imaginer que c'est une chance... Qu'est-ce que tu m'a appris, au juste ? A quoi ressemblait les livres de cette année ? W.O.W... Tu sais, je finis vraiment par croire que ces cours te sont plus bénéfiques a toi qu'a moi, parce que, pour une fois dans ta vie, tu as dû rouvrir un de tes cours. »
J'avais bien sûr dit ça juste pour l'embêter. Je ne le connaissais que depuis quelques mois, et je ne pouvais donc pas savoir si, plus tôt dans sa vie, il avait été ce petit premier de la classe ; qui, par la suite, était devenu un bad boy, parce que c'est plus classe et moins contraignant.

Il n'avait pas bougé quand je lui avais proposé d'aller voir d'autres filles pour s'occuper de ses petites affaires. Bien sur, je savais qu'il n'avait pas besoin de mon autorisation pour ça, mais rien que pour me faire rager, il aurait très bien pu faire quelques pas vers la porte (toujours aussi cassée), avant que je ne trouve une excuse bidon -notamment, le problème de la porte - pour qu'il reste, histoire que je lui en mette encore pleins la figure. Et dire qu'il fut un temps où j'étais la gentille petite fille qui ne faisait du mal à personne... Cette école de fou m'avait vraiment fait péter les plombs, en fait. « Je devrais le faire si tu n'étais pas une pauvre élève égarée qui a besoin de cours. »
Je lui envoyais mon regard noir habituel en marmonnant quelque chose du genre "oh, trop aimable...". c'est vrai que j'avais un peu de retard dans mes cours, mais j'avais au moins le mérite de parler plusieurs langues. J'avais avoir été toujours une élève assez studieuse, mes trop nombreux déménagements et les plans fou de mon père m'avaient empêché d'avoir des notes convenables partout. Des gens comme Kael ; qui démontrait parfois une certaine intelligence sans s'en rendre compte, m'avait toujours énervés, surtout quand je ramais à côté d'eux pour avoir un peu de mérite, souvent a peine remarqué par les profs.
Kael s'assit à côté de moi sur le lit sans paraître vexé de ce que je lui avais envoyé. Heureusement qu'il n'était pas susceptible, parce que vu ce qu'on s'envoyait à longueur de journée, il y avait de quoi faire la gueule.
«Primo je t'ai appris comment embrassé... j'avoue t'es pas encore douée, mais je suis sur qu'avec de la pratique ça devrait passer. » je le regardais avec des yeux ronds, choquée. Je m'attendais à tout, sauf à ça. Non mais quel culot ! La seule fois où il m'avait embrassée, c'était lors d'un moment de faiblesse, j'avais baissé ma garde et il en avait profité. ça avait duré moins d'une seconde, car il avait vite compris qu'un ouragan l'attendait ensuite. Je le regardais avec l'air le plus méchant que j'aie jamais eu, et il eut un mouvement de recul. Ce fut une satisfaction de courte durée, puisqu'il semblait décidé à énumérer toutes les choses qu'il m'avait apprises. Selon moi, ça serait assez court ; mais si il partait comme ça, en disant du grand n'importe quoi, ça pouvait être assez long.
Je ne répondis pas tout de suite, attendant la suite pour mieux l'avoir après.
« Deuxio, les profs me trouvent énervant... » Tu m'étonnes. « ... mais je n'ai aucuns problèmes en cours. Je suis pas Einstein, mais je suis pas le dernier des idiots non plus. Puis c'est pas comme si tu avais vraiment besoin de moi pour rattraper ton retard. Si ça avait été le cas il t'aurait mis quelqu'un d'autre sur le dos, pas vrai ? » J'acquiesçais, un peu à contre coeur. Puis, je me rendis compte qu'il venait - inconsciemment, peut-être - de me faire un compliment, et mon visage s'éclaira de nouveau. Mais, en repensant au prof qui m'avait interpellée tout à l'heure pour mon retard et mes lacunes, de nouveau, j'hésitais. Mon regard dû s'assombrir un peu trop, puisqu'il le remarqua. « Mais fallait le dire le premier jour que t'étais nulle en cours. Y a plein d'intello enfermés dans leur chambre, je t'en aurais bien trouvé un pour te filer un coup de main. »
Non, je n'étais pas nulle. J'avais des problèmes dans certaines matières, c'était tout. Dans d'autres, je cartonnais.
« C'est pas que je suis nulle, c'est que j'ai du retard. » J'hésitais un instant, en me demandant si lui raconter ma vie était vraiment la chose à faire en ce moment. En le regardant de nouveau, je me dis que non, puisqu’il y verrait là un signe de morosité et essaierait encore de m'embrasser. Et après ce qu'il venait de me dire, je n'avais pas vraiment envie qu'il le fasse. pour le moment, je voulais juste encore le couler.
« Parce que, dans mes anciennes écoles, j'étais trop occupée à embrasser tous les beaux gosses qui traînaient pour réviser. Tu sais, ici, il y a presque que des gens qui donnent des cours particuliers, c'est pas le top. » Je me demandais un instant si il y croirait. En matière d'ex, j'avais quelques belles références, mais je n'avais jamais été comme ces poufs qui tournent autour de tout les gars sans penser à quelque chose d'autre que de les critiquer une fois qu'ils ne seront plus ensemble. Et puis, mes amourettes n'ont jamais pu durer longtemps ; à notre âge, personne ne sait tenir de relation à distance.
« Je crois qu'en fait, tu n'as jamais embrassé personne, parce que tu m'as pas appris à embrasser, mais a mordre. »
je le fixais avec un faux sourire de compassion, consciente que je n'avais jamais critiqué encore une part de lui que je ne connaissais pas. Et que, bien sur, je n'avais pas du tout envie de connaître, n'est-ce pas.

désolée, c'est nul

En parlant de mes anciennes conquêtes, je pensais faire réagir un peu Kael. Mais surement pas de cette façon. Il me regarda de travers, avec un scepticisme un peu vexant, au fond. d'accord, je n'avais pas dit tout à fait la vérité ; mais son expression ne semblait pas du tout exagérée. Il avait donc tant de mal à croire qu'une fille comme moi pouvait attirer quelques regards et plaire à quelqu'un ? Venant de quelqu'un qui essayait sans cesse de m'embrasser et passait le reste de son temps à me draguer, c'était carrément bizarre. Je me demandais un instant si, depuis le début, il n'avait fait que se moquer de moi. Mais, très vite, il dissipa mes doutes. « Je suis une fois encore désolé de mettre en doute ta paroles, mais je ne te crois pas le moins du monde. Je ne doutes pas un seul instant qu'une foule de garçon furent attiré par toi n'empêche y en a pas beaucoup que t'as du laisser approcher. Puis c'est pas en les menaçant de mort que tu risques de les garder... »
J'eus un petit sourire et tournait la tête, haussant les épaules. Je pris un air indifférent et regardait autour de moi, avant de parler d'un ton léger, comme si je lui parlais d'un truc tellement évident qu'il n'y avait pas besoin de rajouter une intonation spécifique. « Oh mais non, ça c'est juste pour éloigner les gros lourds, mais des fois y en a qui comprennent pas... »
Il fallait bien avouer que si ce petit jeu perdurait entre nous, c'était parce qu'il avait commencé par venir vers moi en me choquant dans ses paroles, et je n'avais pas trouvé mieux à faire que de réagir au quart de tour. Enfin quoi, je n'allais quand même pas me laisser faire par un mec bizarre et totalement débile, non ?! Et puis, avec le temps, je m'étais rendue compte qu'il n'était pas vraiment sérieux - heureusement pour moi - mais ce n'était pas pour autant que j'avais cessé totalement d'être méchante avec lui. Après tout, s'il disait vrai, ça ne devait pas être tout les jours qu'on lui résistait, et il ne faudrait tout de même pas qu'il croie que tout lui est permis.
Le jeune homme jeta un coup d'oeil à son portable, je pensais d'abord qu'il avait reçu un SMS, puis il ne regarda que l'heure. Premièrement, je le regardais, amusée. Si il s'ennuyait, il pouvait partir, la porte était toujours aussi défoncée et ouverte. Et ensuite, quelque chose fit tilt dans ma tête. Il avait son portable sur lui. Et moi aussi. Hors, pour nos cours en commun, je lui avais donné mon numéro, étant donné qu'on était pas dans la même classe et que, au départ surtout, j'évitais de le croiser dans les couloirs par peur qu'il ne me mette la honte en disant quelque chose un peu trop fort. Cependant, je n'eus pas le temps de lui dire quoi que ce soit qu'il avait déjà enchainé.
« Puis ça tombe bien, moi je fais semblant de donner des cours particulier et je suis sur le marché en ce moment t'as envie de renouer avec tes anciennes occupations ? »
Je le toisais, comme s'il était la personne la plus débile du monde. « ça fait un peu... pute, dit comme ça. » pour une fois, je ne l'avais pas insulté directement, mais la plupart des gens n'aiment pas qu'on les insulte, surtout pas de pute. Connaissant Kael, je savais que ça n'allait pas vraiment le vexer ; et puis de toutes façons, il l'avait cherché.
Quand je lui dis qu'il m'avait appris a mordre et pas à embrasser, il rit. Pourtant, c'était un peu vrai, quelque part. je n'avais jamais été comme ça, a envoyer quelqu'un bouler comme ça, avant que je ne le connaisse. Je devais bien reconnaître qu'il m'avait appris quelque chose - d'utile, en plus - mais rien qui ne paraissait dans sa petite liste. depuis que je le connaissais, j'avais plus ou moins pour habitude de passer mes nerfs sur lui, ce qui ne semblait pas le déranger le moins du monde - eh oui, il y a des gens bizarre sur Terre, comme lui et moi - , en même temps, j'avais acquis une patience et un calme face à d'autres personnes que je n'aurais jamais su trouver avant.
« Tu rigoles j'espère ? Si c'est pas le cas je vais devoir te prouver que ce que tu dis es faux... mise à part si tu reviens sur ce que tu viens de dire. »
Il se tourna vers moi et s'approcha, prêt à m'embrasser. Je croisais mes jambes, posais mon coude sur une de cuisse et posais ma tête dans ma main en le regardant s'avancer, adoptant ainsi une position renfermée qui me permettait quand même de ne pas restée totalement coincée si il allait jusqu'au bout. je lui adressais également l'un de mes regards les plus noirs. Pas un regard de défi. Avec lui, jamais.
Je gagnais cette manche, et eu un petit sourire de satisfaction et le regardant se reculer, étrangement hilare. « Bon soyons sérieux, je sais que tu te demandes comment on peut faire alors que je suis tellement amusant et tellement craquant que tu peux pas t'empêcher de me contempler, mais faut au minimum que tu essayes. »
N'ayant pas saisi le sens de ses paroles, je le regardais se lever et aller jusqu’à mon bureau, le laissant se chanter des louanges à lui-même. Il pris un de mes livres et poussa un soupir dépité. J'eus un petit sourire. Il n'avait jamais aimé me donner des cours ; pas spécialement à moi, mais en général. c'était d'ailleurs surement pour ça que je n'avais pas rattrapé mon retard, parce que, au lieu de réviser bien tranquillement et calmement, sans tisser de liens, on était devenus comme ça, a se lancer des piques tout le temps.
« Tu es en retard comment ? Un peu, beaucoup ? Quand je saurai je te trouverai un type plus ou moins callé même si je sais que la seule chose que tu aimes dans ces cours particulier, bah, c'est moi. »
Ce fut à mon tour de soupirer en le regardant.
« Je suis très en retard, et je n'ai pas besoin que, dans ton immense charité, tu me trouves quelqu'un qui sache me prendre pour une débile et essaye de m'inculquer quelques notions. »
Je m'assis en tailleur sur le lit, me mettant face à lui. « Tu sais quoi ? Je crois que tu fais un complexe d'infériorité ; du coup tu essaies de te persuader que tu es utile à quelqu'un. Aujourd'hui, tu as prouvé que tu savais te servir de tes épaules. » Je désignais la porte cassée du menton, avant de le foudroyer du regard. « La prochaine fois, sers toi de ta tête et de tes mains ; au lieu de défoncer ma porte sans préavis, tu aurais pu m'envoyer un message pour me demander les clés - bon, je te les aurais sûrement pas données du premier coup, mais Queeryn aurait pu le faire si t'avais été gentil. »
Je secouais la tête, désabusée, puis levais yeux, fixant un point invisible au plafond, repensant un instant à ce que m'avais dit le prof avant que je ne vienne ici. Peut-être que j'avais encore des efforts à faire, en effet. en reportant mon attention sur Kael, je me rendis compte qu'il avait l'air a peu près motivé pour m'apprendre quelque chose ; même si son air incitait plutôt au suicide ; et que, par ce que je venais de lui dire, je lui avais surement coupé toute envie.

Kael semblait avoir des idées bien arrêtées sur le principe de la prostitution, ce qui ne m'étonna pas plus que ça. A en voir son attitude, il faisait sans aucun doute partie de ces gars qui savent et aient prendre du bon temps quand l'occasion se présentait. Il n’empêche que ses paroles avaient porté à confusion, et lui ne se gênait jamais pour jouer sur les mots quand je lui en donnais l'occasion malgré moi ; ce n'était pas pour me priver à mon tour lorsqu'il commettait un petit écart d'attention.
Redevenu étrangement sérieux, j'administrais un sermon de plus au jeune homme, qui au départ, feignit ne pas voir la porte, passant ses yeux sur le mur sans les fixer quelque part précisément. Peut-être croyait-il comme ça que je m'arrêterais plus vite, mais non. J'étais bien lancée, et j'étais encore un peu catastrophée parce qu'il avait fait. Quand je lui parlais du problème des clés, il sembla un peu sur la défensive. Pas comme d'habitude ; il ne paraissait plus aussi peu sérieux, soudainement. Et, à mon plus grand malheur, je devais avouer que ça m'inquiétais un peu. Peut-être finalement que j'étais allée un peu trop loin, avec cette histoire de porte. Bien sur, c'était des problèmes en plus qu'on ne pouvait pas effacer comme ça, mais a bien y réfléchir, ce n'était qu'un bout de bois avec des morceaux de ferraille pour tenir debout.
« J‘allais pas venir demander les clés à Queeryn alors que je séchais une heure de cours. Puis le jour ou tu me donnera tes clés je crois que je pourrais danser la macarena à poil à la plage tellement ça me semblera être une espèce de rêve. »
Je le regardais avec suspicion. C'est vrai que c'était l'idée la plus intelligente qu'il aurait pu avoir, mais entre ça et purement et simplement défoncer une porte, le choix est vite fait. J'haussais un sourcil quand il évoqua le fait que je lui donne mes clés. Je ne relevais pas son idée saugrenue sur ce qu'il ferait dans ce cas là, mais, encore une fois, je me trouvais forcée d'admettre qu'il n'avait pas tort. J'avais mes raisons, tout de même. Je n'avais pas envie qu'il rentre dans la chambre alors que j'étais en train de me changer ou de prendre ma douche, juste parce qu'il s'ennuyait comme là.
J'ouvris la bouche pour dire quelque chose, mais la referma, préférant me taire, tandis qu'il continuait. « J‘ai compris que tu m‘en voulais à cause de la porte, mais là j‘essaye, pour une fois, d‘un peu faire autre chose que me tourner les pouces et faire l‘idiot avec toi. Alors, j‘ai une question, c‘est quoi le problème dans le fait que je te trouve un meilleur prof que moi ? »
Encore une fois, je ne pus contenir un sourire à la fin de sa première phrase. Malgré tout, sa question me resta un peu en travers de la gorge. Je ne savais pas quoi répondre. J'aurais très bien pu prétendre que j'en avais assez d'être le boulet qu'il faut toujours aider, mais il aurait encore su que je devenais cette Saddie fragile et triste qu'il n'aimait pas et qu'il faisait en sorte de faire disparaître. Et puis, ce n'était pas totalement vrai. Encore une fois, je restais sans rien dire, ayant comme l'impression de subir un savon ; comme si les rôles étaient inversés. Cette fois, c'était moi la bornée irresponsable qui ne voulait rien entendre, tandis que lui essayait de trouver une solution - bien que, dans mon cas, la seule solution que je voyais, c'était de lui en mettre plein la tête.
Kael descendit de son perchoir et me lança le manuel, je fixai bêtement, avant de lever les yeux vers lui. Il s'allumait une autre clope. Mon premier réflexe fut de lui dire de ne pas fumer, mais je me rendis compte qu'en fait, je m'en fichais. Compte tenu du nombre de cigarettes que fumait ma mère par jour, je n'étais pas une de ces filles à la santé fragile qui ne sont pas habituées à respirer la fumée. Il s'approcha de la fenêtre et me tourna le dos, s'absorbant dans la contemplation de l'extérieur.
« Je crois que le complexe c‘est toi qui le fait, j‘ai jamais dis que t‘étais débile et je vois pas pourquoi quelqu‘un dirait ça. »
ça n'allait pas du tout là. Pas du tout du tout, même. Un instant, je me dis qu'il se rendait surement compte qu'il avait été trop loin, et qu'un peu de sérieux ne lui ferait pas de mal. Mais si, justement. le sérieux ne lui va pas. Je pris une grande inspiration, suivant des yeux la fumée qui rentrait dans la pièce et pensait soudainement aux filles.
Attrapant mon déo, je me levai et en répandit partout dans la pièce, m'approchant de Kael. « T'es mignon » lui dis-je avec un petit sourire, avant de l'asperger de déodorant. Ben quoi, il venait tout de même de me dire que le monde entier pensait que je n'étais pas une idiote. « Moi non plus, j'aime pas quand t'es morose. » Lui expliquais-je très sérieusement, histoire qu'il comprenne que je m'en voulais un peu quand même de l'avoir traité comme ça. je lui jetais un autre coup d'oeil, suspect cette fois ci, et reculais prudemment. « Mais c'est pas pour autant que je t'embrasserai. »

Surpris par le bruit de déo, Kael se retourna un peu. Mais sa surprise s'agrandit quand je lui servis le premier compliment que je lui fis de sa vie. Il du un instant douter de ma santé mentale, mais sembla se remettre très vite, quand je tentais de lui expliquer pourquoi. Alors, très vite, il recouvra son sourire qui m'avait manqué pendant ces quelques secondes de déprime groupée. Prudente, et sachant qu'il interpréterais forcément mes paroles comme il l'entendrait, en les tournant a son avantage ; je me reculais et rajoutais quelques mots de prévention, ce qui accru son hilarité. Il se mit même a rire, ce qui, quelque part, me tira une petite note de satisfaction ; quand il déprimait, ce n'était pas pour longtemps.
« Tu me brises le coeur Saddie, même pas capable de donner un peu de toi pour un pauvre gars morose. »
Je ne pus retenir un nouveau petit rire, a mon tour. Le regardant avec un sourire désabusé, je secouais la tête. Pour quelqu'un qui avait le coeur brisé et qui était d'humeur morose, il paraissait bien pétillant.
« Un bisou sur la joue m‘aurait suffit... je suis quand même pas un obsédé. »
Je le regardais en haussant un sourcil, plus que dubitative. « Humm... première nouvelle. On doit pas avoir la même définition du mot, alors. » J'exagérais, bien sûr. Il n'était pas comme ces pauvres mecs qui bavent devant toutes les paires de seins qui passaient. Néanmoins, quand il était avec moi, il ne se gênait pas pour faire des allusions sexuelles, des regards appuyés et des tentatives pour m'embrasser.
Il me regarda avec des yeux de cockers, et, amusée, je continuais de le fixer sans rien faire. Il ne pensait pas sérieusement que j'allais me jeter sur lui pour lui faire ne serait-ce qu'une toute petite preuve d'affection - même si j'en avais pour lui.
Il finit sa clope, et j’espérais juste qu'il n'allait pas s'en allumer une tout de suite, ou alors qu'il attendrait un peu que le déodorant se dissipe légèrement, sans quoi son étincelle risquait de tous nous faire flamber. Quelque part, ça pourrait expliquer le problème de la porte, mais ce n'était surement pas une meilleure idée que celles de Kael.
Il repris mon manuel, et s'assit sur mon lit, prêt a se replonger pour de bon dans mon apprentissage qui l'avait tellement gonflé lorsque c'était moi, sa punition. « Maintenant que c‘est arrangé on bosse ? Fait attention, je suis le genre de prof‘ à donner des punitions, à chaque erreurs de ta part je veux un baiser et t‘aura droit aussi à un coup de déo histoire que ça ne te donne pas envie de recommencer. J‘espère que t‘es motivée. »
Je lui jetais un regard las et poussais un soupir a rendre l'âme, le déo toujours en main. Je lui tendis et m'assis à mon tour sur le lit, prête a entendre son cours. « Pour le baiser tu peux toujours te gratter, mais si ça peut te faire plaisir, le déo ça a jamais fait de mal à personne. Tant que tu fais pas une flamme à côté. »
Il cessa de se planquer derrière le manuel pour me regarder avec un grand sourire un peu niais, et je sus qu'il allait lâcher une bêtise quelconque. « Et ne répète à personne que je t‘ai filé des cours, sinon pleins de filles viendront toquée à ma porte pour avoir des cours. Puis ça ruinerait ma réputation, tu imagines : le beau, le séduisant, le rebelle, le charmant et marrant Kael s‘acquitte comme un petit intello de ce qu‘on lui demande de faire. Ca serait un suicide social. »
Je m'assis sur l'oreiller et m'appuyais contre le mur, sans le quitter des yeux, le regardant d'un façon qui ne devait lui augurer rien de bon. J'eus un petit sourire malicieux et le poussait avec mon pied, histoire qu'il redescendent un peu de son nuage.
« Oh oui, je comprends parfaitement, ne t'en fais pas pour ça. » dis-je ironiquement. Pensait-il vraiment qu'en me donnant une information si cruciale que ça je n'allais pas m'en servir contre lui ? « Par contre, si tu me pousses à bout, je serais bien obligée de me venger, vois-tu. Si tu me punis trop souvent, par exemple. Étant donné que tu n'as jamais été un exemple de calme, de responsable et de sérieux, je vois mal comment tu pourrais juger utile de me punir, en plus. »
Je croisais mes jambes en tailleur, puis haussais les épaules.
« Vas-y, je t'écoute. » lui intimai-je avec un sourire encourageant. J'étais disposée à ce qu'il me fasse un vrai cours, cette fois. Avant, lorsqu'il avait l'obligation de m'aider, ça partait tout le temps en live. Oh, j'étais presque certaine qu'il n'allait pas tenir longtemps son rôle de prof, mais étant donné qu'il semblait vraiment motivé pour m'aider, je n'allais pas passer tout mon temps à le descendre, non plus.

« Je suis un prof incompris. » Je le regardais, sans me départir de mon sourire. Dire que quelques instants plus tôt, j'avais tenté de le tuer, puis je lui avais dit plusieurs fois que s'il mourrait je n'en aurais rien a faire tellement j'avais été furieuse contre lui... Il devait me trouver bien lunatique. J’avais toujours été capable de retrouver mon sérieux dans n'importe quelle situation, avant. Maintenant, quand j'étais avec lui, je n'avais pas vraiment le temps d'être sérieuse. soit j'hurlais, soit je riais, parfois les deux en même temps.
Je repensais au moment où il avait prétendu m'avoir appris à embrasser, et que, une fois encore, ça m'avait fait criser. Si c'était ça ses notions d'apprentissage, il n'y avais aucun doute sur la vérité de sa phrase ; il avait tout à fait raison. Je me demandais un instant comment il serait en prof, plus tard. je pense qu'il rirait de sa situation, premièrement, parce que, vu son attitude à l'idée de m'aider à rattraper mon retard, c'était le dernier métier qu'il semblait souhaiter faire. peut-être qu'il rencontrerait des élèves comme lui, et que, pour leur faire peur, leur dirait qu'ils finiraient comme lui. Bien que, dans le fond, je doutais fortement que dans quelques génération, un élève comme lui puisse réellement exister de nouveau.
« Moi ? Mais je suis un exemple de calme, de sérieux et tout les trucs dans le genre... » De cette manière, il s'opposait à mon idée de ruiner sa réputation s'il était trop injuste avec moi. Je le regardais avec cette moue dubitative et exaspérée que je lui réservais dès qu'il sortait une ânerie dans le genre. C'était très loin de le remettre à sa place, mais il savait que je n'en pensais pas moins.
Je pensais qu'il essaierait vraiment de faire quelque chose de bien, et je fus vraiment naïve. Il se mit à lire de façon beaucoup trop exagérée, et je me mordais les lèvres pour ne pas éclater de rire, essayant de me concentrer sur le texte malgré sa voix totalement improbable et ses expressions débiles. Une fois qu'il eut fini, je n'avais pratiquement rien retenu, mais au moins je savais un peu de quoi ça parlait. Il poussa un gros soupir et changea de position.
« En gros c'est nul et ça sert à rien. » je fronçais les sourcils, ne comprenant pas vraiment de quoi il voulait parler. Il leva les yeux vers moi et vit mon air incompréhensif. Tournant le livre vers moi, il me désigna un schéma explicatif. Je m'approchais un peu de lui afin de le voir mieux et hochait doucement la tête, comme si c'était vraiment plus clair dans ma tête. ça l'était surement plus que tout ce texte bidon - surtout lu de cette façon.
« Il y a plein de détails inutiles, tu résumes, tu synthétises puis tu relis plusieurs fois et c'est dans la poche. Mise à part si tu comprends pas certain trucs et pour les maths ça marche pas. Sinon la majorité des cours tu fais ça et hop tu réussis ton année les doigts dans le nez. Avec un peu de méthode le tour sera jouer et j'aurai droit à une récompense ! »
Je perdis mon sourire, doutant un peu de cette façon d'apprendre et d'avoir des notes correctes. dans une de mes précédentes écoles, un prof nous avait dit de broder autour de quelques connaissances. en gros, de faire beaucoup de blabla pour rien, tant que ça équilibre un peu nos parties pour la synthèse. je poussais un soupir.
« ça fait quand même deux conditions... » Repensant sa dernière phrase, je fronçais les sourcils en le regardant, ne comprenant pas vraiment. « Tu veux parler d'une récompense de la part de l'administration ? » Je doutais un peu qu'il s'agisse de ça, mais après tout, c'était à cause d'eux qu'il était censé essayer de m'apprendre quelque chose. Même si je voyais mal le directeur sortir et lui donner le petit trophée du meilleur "pire élève repenti" de l'année.
Observant le déo qu'il avait toujours à côté de lui, je poursuivi, d'un air faussement détaché. « Si c'est de ça que tu veux parler, oui, si je réussis cette année, t'auras peut-être le droit à une boite de chocolats ou un bouquet de fleurs. »
Je lui souris très faussement, avant de prendre le manuel et regarder ce qu'il m'avait lu. je me demandais un instant si il avait choisi cette page au hasard ou pas. ce n'était pas ce qu'on étudiait en ce moment, mais c'était l'un de ces sujets sur lequel je pataugeais encore un peu, puisque je n'était pas allée jusqu'au bout du chapitre, ayant changé d'école avant.
« J'me suis fait remonter les bretelles par un prof, tout à l'heure, juste avant de venir ici. Il m'a demandé comment ça se passait, les cours de rattrapage avec toi, je crois que lui aussi doute de ton efficacité... Bizarre, hein ? » Je le regardais avec un petit sourire narquois, un peu contente d'avoir ce soutien fictif du prof que je n’appréciais pourtant pas vraiment.

Kael ne semblait étrangement pas du tout satisfait de mes idées de récompenses. ça le fit sourire un peu, mais pas plus que ça. je m'imaginais mal aller acheter un bouquet de fleurs ou des chocolats, en demandant au vendeur si c'était possible d'ajouter un petit mot pour le remercier. Le côté comique ressortirait tout de suite, c'est sur ; surtout si en allant lui donner cette merveilleuse récompense, je rencontrais quelqu'un qui me demandait pour était tous ces trucs, et que je lui explique tout. A vrai dire, je crois que c'est moi qui passerait le plus pour une demeurée, ou une fille qui n'a rien compris à la vie. Il n'empêche que, rien que pour voir sa réaction, ça serait assez tentant de le faire quand même. « Si tu réussis ton année, et tu la réussira, ce serait plutôt à toi de m'offrir une récompense et une grande en plus ! » je ne relevais pas, sachant désormais à quoi il faisait illusion. Avec l'écouter, j'aurais toujours une bonne raison pour me jeter sur lui et l'embrasser. Mais, une réussite scolaire ne s'obtenait pas en promettant d'embrasser quelqu'un si il réussissait à nous apprendre quelque chose. Du moins, pas pour moi.
Quand je lui parlais de l'incident de tout à l'heure, avec le prof, cela sembla le faire réagir. Je fus contente qu'il n'insiste pas plus sur ce qu'il c'était passé exactement. Je n'avais pas envie qu'il sache que j'avais dit qu'il n'y avait aucun problèmes avec lui. Il avait déjà du mal à comprendre pourquoi je ne voulais pas de l'aide de quelqu'un d'autre que lui ; quelqu'un qui sache vraiment m'aider et qui me sois vraiment utile. Mais pour tout dire, moi non plus, je ne savais pas pourquoi je refusais.
« C'est un idiot qui va voir ce dont je suis capable. » Il annonça ça tout en se levant, donnant une force assez inquiétante à ses paroles. Il s'affaira près de mon bureau, fouillant dans les tiroirs sans demander ma permission. je faillis lui dire de ne toucher à rien, puis me rendis à l'évidence ; il ne s'arrêterait pas. Et puis, ce n'était pas comme s'il fouillait dans mes affaires personnelles, où, là, j'aurais piqué une crise. Il sortit de quoi écrire, des surligneurs et un bloc de feuilles. Il me lança les surligneurs, que je rattrapais de justesse sur le coup de la surprise - ces réflexes soudains me surprirent moi-même. « Tes nouveaux meilleurs amis a partir de maintenant. » Incrédule, je fixais les fluos, puis relevais les yeux vers lui, n'osant pas y croire. « Ouah... C'est ton côté obscur ? »
Je lui souris, contente qu'on se mette vraiment au travail, pour une fois ; consciente que cette occasion ne se présentera pas souvent. Il revint s'assoir vers moi, alluma le stylo et garda le bloc sur ses genoux. Il me tendit le livre et un crayon, que je pris sans rien dire, attendant calmement ses consignes comme une gentille petite élève bien sage, que j'étais souvent en tant normal, mais jamais avec lui. « Tu soulignes ce qui te semble important et je juge après si t'as raison ou non. Fait attention, j'ai toujours le déo à porté de main pour te punir. »
je lui jetais un coup d'oeil, avant de me mettre au travail, le gardant tout de même dans mon champ de vision, au cas où il déciderait de m'attaquer sans raison à coup de déo. Mais, à ma grande surprise, il resta sagement sur le lit, en train d'écrire des trucs que je ne voyais pas. Je décidais de ne pas m'occuper de ce qu'il écrivait pour me concentrer sur ce qu'il m'avait dit de faire.
« Si tu me trouve sexy en professeur intransigeant tu peux me sauter au coup, mais pas pour m'étriper de préférence, plus pour me montrer ta gratitude, ton amour. »
Je relevais la tête vers lui en poussant un soupir. « J'aurais du te chronométrer, t'as battu ton record de temps de sérieux. » Je tendis la main vers lui et lui ébouriffais les cheveux, avant de reporter mon attention sur mon travail. « Un prof intransigeant ne déconcentre pas ses élèves pendant qu'ils travaillent pour leur raconter des bêtises. »
Je finis de parcourir le texte, soulignant encore quelques mots, quelques phrases, raillant d'autres choses. Ce n'était pas mon habitude d'écrire directement sur les livres, mais on pouvait difficilement trouver d'autres exemplaires ou une photocopie, alors tant pis. Au pire, ça se gommerait facilement. Je me redressais finalement, relisant rapidement le texte, avant de lui tendre le manuel. « ça y est m'sieur, j'ai fini. »
je me reculais un peu, mais pas trop, histoire de pouvoir échapper à une éventuelle attaque de déo. Le connaissant, il trouverait forcément quelque chose pour m'embêter un peu.

M'accordant un petit instant avant de me remettre au travail ; j'en profitais également pour tenter d'empêcher Kael de partir trop en live et de m'empêcher de travailler correctement. On était bien parti, je n'allais tout de même pas le laisser tout gâcher maintenant, alors que lui même profitait de ses quelques instants de sérieux pour une des rares fois de sa vie. je le rembarrais sans ménagement, comme à mon habitude, ce qui fit ressortir en lui le petit intello qui n'aime pas être dérangé dans son travail ; qu'il avait longuement refoulé au fin fond de lui afin de ne pas ternir son actuelle réputation. Bien évidemment, tout ça était surement faux, et ce n'était qu'un film que je me faisais, mais c'est marrant à voir.
« Mais euh !!! T'es pas gentille et puis tu viens de ruiner ma superbe coupe de cheveux... » Je le regardais avec une expression désolée et battit des cils pour renforcer cette image, qui était aussi fausse que son brushing. Kael ne faisait pas partie de ces minets qui passent trois heures chaque matin dans la salle de bain - enfin, a vrai dire, ça, ne faisait que le supposer puisque je n'habitais pas avec lui, et heureusement pour moi - et qui allait aux toilettes dès qu'ils pouvaient pour admirer leur physique dans la glace.
Reportant mon attention sur mon travail, je m'efforçais d'oublier le jeune homme qui était juste à côté et qui ne cessait d'écrire je ne sais quoi sur ce bloc, ce qui m'intriguait un peu. J'aurais bine aimé qu'il m'explique avant de commencer ce qu'il comptait faire pendant que je bossais, histoire d'être un minimum au courant. Il y a certaines choses avec lui qu'il ne valait mieux ne pas savoir, mais rester comme ça dans l'ignorance, en sachant qu'il notait des choses et qu'il me regardait, ça avait un côté troublant qui me donnait envie de lui arracher ce fichu bloc des mains, rien que pour voir ce qu'il notait. Je me consolais en me disant que, de toutes façons, c'était mon bloc, et que je finirais bien par voir ce qu'il faisait à un moment ou un autre.
Je me concentrais de nouveau sur mon travail, feignant de ne pas voir la façon dont il me regardait de haut en bas. Une fois fini, je tendis mon travail au prof improvisé. Comme pour faire durer le suspens, il s'amusa a jouer avec le déo, sans le faire tomber une fois par terre ; tout en regardant ce que j'avais fait. je jetais un coup d'oeil à mon oreiller, où j'avais l'intention d'enfouir ma tête si jamais il me sautais dessus. Il émettait des petits bruits plutôt très agaçant, tandis que, raide comme un piquet, j'attendais ma sentence avec plus d'appréhension que prévu. Ce n'était qu'un cours de rattrapage, après tout.
Il arriva à la fin du texte, et releva la tête vers moi, me regardant sans rien laisser paraître. « C'est très bon, mais... tu as laissé un déterminant superflu je me dois de te punir ! » Réagissant au quart de tour, je me retournais brusquement, tandis qu'il me lançait le déo. J'entendis les ressors du lit grincer, signe qu'il se levait, et je pris le risque de jeter un coup d'oeil par-dessus mon épaule, histoire de voir ce qu'il faisait. Il s'était éloigné de moi ; surement par peur que je riposte et le batte. Je me rassis correctement et repoussais mes cheveux vers l'arrière, attendant qu'il me donne des explications supplémentaire concernant mes erreurs. Je notais également avec une petite pointe de soulagement qu'il n'avait pas essayé de m'embrasser, cette fois. Mais ce petit instant de répit fut vite fini, surtout lorsque je notais qu'il semblait extrêmement fier de lui, à cause de cette histoire de déo. Je lui jetais un regard noir. Il était peut-être loin d'être un prof intransigeant, mais il n'en était pas moins un prof sadique à qui il faut éviter à tout prix de donner des moyens de punir ses élèves. Heureusement, j'étais sa seule élève. Enfin, façon de parler, puisque du coup, c'était plutôt "malheureusement", dans mon cas.
« Sans déconner, si tu ne me tues pas sur place, je peux affirmer que c'est bon, t'as compris le texte et ce qu'il fallait retenir. Certes c'est barbant à mourir, mais le schéma est là pour aider à comprendre. Puis surtout ...! » Je souris. Il donnait un peu l'impression de se racheter en me disant que j'avais fait du bon boulot, mais je me pris à le croire. peut-être que, en effet, je n'étais pas si nulle que ce que l'autre prof avait essayé de me dire. J'allais dire quelque chose, mais je préférais attendre qu'il finisse sa phrase. « Tu peux mettre du fluo partout maintenant ! » Perplexe, je le regardais, avant de cligner des yeux et de me reprendre. « Tu veux dire, en mettre partout, genre... sur toi ? Pour me venger d'une punition injuste ? » Cela me semblait un peu bizarre qu'il m'aie dit ça, surtout qu'il m'avait envoyé tout les fluos, et que si l'idée me venait de me jeter sur lui pour lui barbouiller son visage, il n'avait aucune défense. J'eus un sourire -légèrement sadique sur les bords, mais ça devait être lui, en bon prof, qui m'avait appris à sourire de cette façon - en attrapant un fluo et en le débouchant.
« Eh bien, je suppose que je dois te dire merci et bravo. Enfin, je te dirais merci si ça marche vraiment et que je deviens subitement la plus douée en cours ; mais bravo d'avoir réussi à être plus ou moins sérieux pendant tout ce temps. T'as noté quoi, sur le bloc ? » La question était sortie toute seule, mais ça m'avait trop intriguée depuis le début. Jouant avec le fluo, en le faisant passer entre mes doigts tout en le braquant plus ou moins vers lui, je le regardais avec un curiosité non masquée.

Ce n'était pas souvent que j'avais l'avantage sur lui, et pour tout dire c'était carrément grisant de le voir reculer un peu sous le coup de la menace du flou. ce n'était bien sûr absolument pas loyal, mais étant donné qu'il m'avait balancé un déodorant quelques secondes auparavant sans vraie raison, je me sentais tout à fait sereine et pas le moins déstabilisée d'être en mesure de lui mettre la raclée de sa vie - grâce à des fluos, d'accord, mais quand même.
« Dans le manuel ...! Tu peux mettre du fluo partout dans le manuel, pas sur moi... tu ferai pas ça, n'est-ce pas ? » je le regardais avec une fausse hésitation, faisant mine de réfléchir. Je continuais de jouer distraitement avec le fluo, jetant un coup d'oeil au manuel. Je fronçais légèrement les sourcils. Je n'allais pas fluotter le livre, quand même.

Je changeais de sujet, reportant la conversation sur lui. Il grimaça quand je le félicitais d'avoir été aussi sérieux si longtemps, mais je sus déterminer s'il grimaçait parce que je le pensait incapable d'être plus longtemps que quelques secondes ; ou au contraire, parce que ça ne lui ressemblait pas d'être sérieux et qu'il savait que j'avais vraiment du mérite à le supporter tout ce temps. Bon, d'accord, ça finissait par ne plus me poser de problèmes, à la fin, mais peu importe.
Je prenais un malin plaisir à l'observer. Il était placé en retrait, pas très sur de lui ; et ses yeux passaient sans cesse de mes yeux à ce crayon. je crois bien que, face à lui, je n'avais jamais été aussi puissante qu'avec ce stupide petit bout de plastique qui faisait à peine dix centimètre de long et 5 millimètres de rayon.
Quand je lui demande de me montrer son bloc, il regarde de nouveau les fluos, et je comprend très vite qu'il va me demander une rançon pour avoir de nouveau l'avantage ; ou du moins être à égalité avec moi. « Si tu poses le fluo et que tu l'envois doucement vers moi je réponds, sinon je refuse ! »
Je me lève, hésitant encore un peu. Si ça se trouve, il n'y a rien de très intéressant sur ce fichu bloc. Je me trouvais donc dans un dilemme ; soit je lui donnais un fluo, et peut-être qu'au lieu de me donner le bloc, il se jetterait sur moi pour se venger d'avoir osé le menacer - ou juste histoire de m'embêter, en fait. Soit je ne voyais pas ce qui se trouvait sur le bloc et je restais dans l'ignorance ; mais je serais au moins saine et sauve.
Je rebouchais calmement le fluo et fit retomber ma main, signe qu'il n'avait rien à craindre de moi, et que j'étais entièrement disposée à ne pas l'attaquer sournoisement quand il détournerait les yeux. Cela sembla l'aider à se décider, car il me tendit le bloc. Il était à distance de bras, et je m'approchais encore, sans vouloir l'effrayer, mais juste pour pouvoir voir ce qu'il y avait sur ce bloc.
« J'ai noté une méthode d'étude histoire que tu puisses travailler sans moi, même si je sais que je te suis indispensable. Ainsi que quelques bouquins qui traitent des sujets dans lesquels tu es à la traîne. »
La première chose qui retint mon attention fut le dessin d'un super-héro, fait à la va-vite. J'haussais un sourcil, puis jetais un coup d'oeil à Kael. « c'est ton nouveau costume ? » ironisais-je. Puis je me concentrais un peu plus sur ses paroles, et le regardais. Contrairement qu'il m'avait laissé croire durant ce qu'on faisait lors de ses cours inutiles car d'habitude inexistants, il semblait bien renseigné sur moi. Je déglutis. quelque part, ça avait quelque chose d'un peu flippant. Et si en fait, durant tout ce temps, il m'avait observée sans que je m'en rende compte, et qu'au final, il en connaisse beaucoup plus sur moi qu'il n'y paraissait ?
Mais très vite il sourit et dissipa mes doutes. « A l'administration j'ai eu droit à des infos. En plus de ton nom, les cours dans lesquels tu ramais, ainsi que pas mal d'avertissement quant à ce que je devais faire et ne pas faire. »
Je fus un peu soulagée pendant un instant, sans vraiment savoir pourquoi. Puis, je me rendis qu'en fait, j'aurais préféré que ça vienne bel et bien de Kael, et pas de l'administration. « Ouah, super, je suis fichée. » , marmonnais-je, maussade. C'était tout le temps comme ça, quand on était nouveau. Les profs - ainsi que les élèves - nous regardaient, nous jugeaient, puis nous attribuait une note moyenne, celle a laquelle il faudra qu'on essaie de se tenir tout au long de l'année. A la longue, c'était pénible. j'aurais très bien pu essayer de faire semblant d'être super calée dans une matière et de faire n'importe quoi dans une autre ; avant de faire l'inverse dans une autre école. Mais je n'avais pas la patience ni le temps pour.
Reportant mon attention sur Kael, je croisais les bras avec un petit sourire dépité. « Et je suppose qu'en gentil élève bien sage, tu as bien écouté tout ce qu'ils avaient a te dire, n'est-ce pas ? »