H i s t o i r e ; Sephora
2008SEPHY: Non mais, TU FOUS QUOI, DÉBILE?
La délicatesse n'était pas réellement le fort de ma chère soeur jumelle, Sephora. Surtout lorsqu'elle s'adressait à moi, à vrai dire. Là, elle me qualifiait de "débile", ce qui est quand même léger, venant d'elle. J'avais l'habitude des "connard" et autres "ridicule gamin attardé", donc bon. Ce n'était pas le mot débile qui allait me traumatiser.
J'imagine que le contexte entourant la réplique assassine de Sephy vous intéresse, hein? Bon. La demoiselle m'attendait près de la porte avec notre mère, toutes deux prêtes à partir pour une stupide école de super-héros. C'était surtout le rêve de Seph, de devenir super-héros. Seulement, sans moi, elle n'allait pas réussir à percer dans ce monde, disait-elle. Il faut dire que, lorsque nous avions 13 ans, nous nous sommes découvert un pouvoir étrange. Sephy tentait de me protéger d'une bande de voyous (elle était bien plus forte et virile que moi) quand, soudainement, elle s'est transformée en...moi. Étrange, très étrange. Ça fait bizarre de voir quelqu'un qui est notre copie parfaite, car même si Sephy et moi nous ressemblions beaucoup, nous avions tout de même une caractéristique qui nous distinguait grandement: notre sexe. Mais là, non. Sephy était brusquement devenue physiquement moi, sans toutefois s'en rendre compte. Et elle s'est jetée sur les garçons qui, quelques instants plus tôt, se moquaient de sa taille ridicule. Elle les a évidemment tous terrassés rapidement, et ils ont pris la fuite en courant - sans doute traumatisés par cette fille qui s'était transformée en homme. Sephy, un sourire victorieux sur mon visage, s'est retournée vers moi...et a poussé une exclamation d'horreur.
SEPHY: Raphy... C'est toi?
RAPHY: Ben...oui. Mais toi, pourquoi t'es moi?
SEPHY: De quoi tu jases?! C'est toi, qui es devenu moi!
Échange incompréhensible, je sais. Tout ça, c'est pour dire que Sephy et moi, on peut s'interchanger de corps. Ce n'est pas toujours voulu, bien sûr. Il faut dire que Seph a beaucoup plus de talent et de contrôle que moi. Quand elle se transforme en moi, ou plutôt en "Strong Twin", elle possède une force assez étonnante. Et moi, quand je suis "Rubber Twin" (sans commentaire, c'est Sephora qui a choisi mon nom), je suis souple. Extrêmement souple. Disons que je peux faire des noeuds avec mes bras et étirer mes membres de façon exagérée. Ça nous a valu, à Seph et moi, le joyeux surnom des "Freak Twins". Sephy, elle s'en moque. Elle aime avoir l'attention, positive ou négative. Et son désir, c'est de devenir un grand super-héros...Mais pour ça, elle a besoin de moi, puisque je dois me trouver près d'elle pour que notre métamorphose se produise.
C'est donc pour cette raison qu'elle me hurlait dessus, ce matin-là. Notre mère, évidemment, ne lui a rien reproché. Sephy était, à vrai dire, l'enfant parfait. Moi, j'étais le jumeau inutile qui était arrivé par erreur. Mauvaise adresse, la cigogne aurait dû aller me porter chez les voisins!
À part vivre dans l'ombre de ma soeur, j'ai eu une enfance des plus normales. Il faut dire que j'étais relativement normal, vivant dans un petit quartier simple, dans une petite famille simple (papa-maman-les jumeaux-la petite soeur) dans une ville simple, elle aussi. Et c'était parfait ainsi. J'ai toujours apprécié me fondre dans la foule, mais c'était un peu compliqué, étant donné que Sephy était tout le contraire de moi. Et qu'elle s'est toujours servi de moi comme de son faire-valoir - mais elle me croyait trop stupide pour comprendre son petit jeu.
Et le monde...
2004"
Raphaellius qui? Aaaah! L'autre freak twin! Oh, il n'est pas très bavard. Vraiment très timide, pour tout vous dire. Il est assez geek, en fait, et se balade partout avec ses horribles et gigantesques lunettes. Il doit être complètement aveugle, haha! Nan, sérieux, Raphy, une fois qu'il te connait, il peut passer des heures à te parler des étoiles et de leur rapport avec jesaisplustropquoi. Il est vraiment spécial. Un peu trop, même... Sympathique, je dis pas le contraire! Mais...bizarre pareil."
Je me suis arrêté vivement en entendant la voix de Shelley Moore, une fille de ma classe. Dans le genre populaire-jolie-pastropbrillante-enviée, on ne faisait pas mieux. Elle était chargée de faire visiter l'école à une nouvelle élève, qui lui avait vraisemblablement posé une question à propos de moi. C'était toujours intéressant, entendre les gens parler de vous. Surtout que, dans mon cas, les mots "geek", "freak" et "bizarre" revenaient souvent pour me qualifier. Comme si je n'étais que ça, le frère de l'autre, l'étrange garçon aux grosses lunettes qui ne faisait rien de bien intéressant dans la vie. Ouais, super. Vous avez une corde, quelqu'un? Nan, je déconne. Vous savez bien qu'à la moindre tentative de ma part, Seph serait là pour m'en empêcher. Elle tient beaucoup trop à ses projets de "super-héros" (n'importe quoi).
Et lui, dans tout ça?
2010PROF: Raphaellius, voudriez-vous me rencontrer après le cour?
RAPHY: Hmm...
Ok ok ok, je pourrais peut-être tenter de varier un peu mon vocabulaire. Parler en monosyllabe, c'est vraiment mon fort, même si ça peut énerver quelques personnes. Sincèrement, ça ne me dérange pas vraiment. Ce qui me dérange davantage, c'est d'être convoqué dans le bureau d'un prof sans savoir pourquoi. Je ne suis ni du genre turbulent ni du genre je-fais-pas-mes-devoirs-bon, donc ce type de situation était tout à fait nouveau pour moi. N'empêche, étant un jeune garçon docile et soumis - des années de torture psychologique et de domination extrême de la part de ma soeur, c'est ce que ça a donné - j'ai attendu que tous les élèves soient hors de la salle de cours afin d'aller rejoindre le professeur. Il m'attendait d'un air grave, les bras croisés sur sa poitrine.
PROF: Avez-vous une idée, jeune homme, de la raison de cette convocation?
RAPHY: Eh...
PROF, avec un soupir: Visiblement, non. Bon... Comment dire? Vous avez su prouver, grâce à vos travaux d'une qualité rare, que vous possédez une intelligence supérieure à la moyenne. Le seul problème, c'est que vous semblez être sous... le contrôle de votre soeur, Sephora. Un être si brillant mais si exploité, quelle tragédie!
RAPHY: Mais hm...
PROF, avec un soupir: Réfléchissez-y, mon cher. Réfléchissez-y.
Ça m'énerve, les gens qui disent des chose comme "réfléchis-y" comme si le y était une évidence. Mais là, il voulait que je réfléchisse à quoi? Au fait que ma soeur me contrôlait? Ou alors, au fait que je n'avais pas à être un super-héros, si je ne le désirais pas? Si les gens s'exprimaient clairement, peut-être que je pourrais les comprendre.
Mais non, je ne les comprendrai jamais. Je suis un phénomène, un cas désespéré, qui n'arrivera jamais à saisir le
pourquoi du comment.